samedi 20 juillet 2013

J. de CHANTEAU, Arlequin et Colombine, 12 lithographies (2/3)





(...) Je m’arrête sur une jolie Arlequine lui prenant grossièrement la main pour la faire danser un menuet avec moi. Chacun rit et nous fait grande place. L’Arlequine danse à merveille selon le caractère de son masque, et moi selon le mien j’ai fait à la compagnie le plus grand plaisir à cause de l’apparence continuelle que j’avais à tomber, me tenant cependant toujours en balance. Après la peur générale, les risées s’ensuivaient.
Après le menuet j’ai dansé douze furlanes avec une vigueur extraordinaire. Hors d’haleine je me suis laissé tombé faisant semblant de dormir ; et quand on m’a entendu ronfler tout le monde respecta le sommeil de Pierrot.

CASANOVA, Histoire de ma vie,  vol. III, "3e fragment de mes mémoires", Paris, 2013

mardi 9 juillet 2013

J. de CHANTEAU, Arlequin et Colombine, 12 lithographies (1/3)







  Ayant su de Laure qu’on donnait dans un tel jour un bal dans le grand parloir, je me suis déterminé à y aller masqué de façon que mes bonnes amies ne pussent pas me connaître. […] j’ai décidé de me masquer en Pierrot. […] Je descends au parloir qui était plein ; mais tout le monde fait place à ce masque extraordinaire dont personne à Venise ne connaît les êtres. Je m’avance marchant en nigaud, comme le caractère du masque exige, et je vais dans le cercle où l’on dansait. Je vois des Polichinelles, des Scaramouches, des Pantalons, des Arlequins. […] je fais le tour du cercle marchant comme si j’avais été ivre, regardant de la tête jusqu’aux pieds chacun ; mais étant beaucoup plus regardé et examiné. Tout le monde m’étudiait.

CASANOVA, Histoire de ma vie,  vol. III, "3e fragment de mes mémoires", Paris, 2013


lundi 1 juillet 2013

Jean DULAC, Nelly et Jean Nous deux, simples papiers du tiroir secret, 1929 (extrait)

de Nelly à Kiki
2 Sept. 19..

 Ma pauvre Kiki, ton grand désir de connaître ce qui se passe me fait un peu pitié. n'as-tu donc pas compris suffisamment encore, avec les explications que je t'ai données?
  Je ne me sens pas du tout le courage de te décrire les choses plus en détail, et, mon Dieu, je vais t'indiquer un moyen de te renseigner bien à ton aise.
  Après-demain, nous devons nous rencontrer, Jean et moi, très tard, dans la soirée, quand ma tante sera couchée, dans le petit pavillon que tu sais. Devant la chambre où nous serons, il y a une terrasse où tu pourras facilement monter. Attends-là, sans faire de bruit.
  J'oublierai de fermer les volets et peut-être la fenêtre, sans rien dire à Jean, bien entendu. Si tu veux venir - ou si tu peux, car je suis sûre que tu voudras, - tu seras très bien placée pour tout voir.
  Et maintenant, ne me demande plus rien ! Affectueux baisers,
NELLY


Nelly et Jean Nous Deux, simples papiers du tiroir secret, (deuxième partie).